Lower Dens – Escape From Evil

(Ribbon Music/A+LSO/Sony Music)

Portraiturée au vitriol par le cinéaste culte John Waters dans les années 70/90, la ville de Baltimore traîne une réputation d’urbanisme déclinant et de pauvreté galopante. Malgré ce sinistre tableau, elle brille aujourd’hui par la vivacité de sa scène musicale. Des immenses Future Islands aux rêveries de Beach House, du folk électrifié de Wye Oak aux excentricités électroniques de Dan Deacon, il y en a pour tous les goûts.

Emmené par l’androgyne Jana Hunter, Lower Dens ne dépareille pas dans ce vivier passionnant d’identités musicales fortes. Surtout depuis Nootropics (2012), second album aux allures de chef-d’œuvre hypnotique et hanté qui creusait le sillon d’une pop aux contours insaisissables, tout autant attirée par les cimes que par les gouffres. Agissant comme acte conjuratoire ou médecine parallèle, Escape From Evil aspire à plus de sérénité. Le mal qui rongeait jusqu’ici les chansons de Lower Dens et qui en constituait toute la beauté maladive doit être dompté à défaut d’être éradiqué.

Sucker’s Shangri-La ouvre ce disque de la manière la plus maladroite et volontariste qui soit : guitare slide, nappes synthétiques, batterie sans envergure et refrain introuvable scellent des retrouvailles étonnamment plates là où l’on pouvait s’attendre au grand-huit émotionnel. Même la voix ahurissante de Jana Hunter, intrigant mélange de lyrisme irradiant et de mélancolie distanciée, semble expurgée de son pouvoir d’envoûtement.

Le groupe réussit néanmoins sa mue lumineuse sur To Die In L.A., single synthpop à la progression d’accords inattendue et jouissive, ainsi que sur Electric Current dont le clavier minimaliste et bouleversant nous renvoie aux lointains souvenirs d’Elli & Jacno. Your Heart Still Beating rappelle avec bonheur combien le groupe peut fasciner lorsqu’il nous embarque dans un tunnel krautpop en jouant avec les ombres et le vide. Mais à trop vouloir faire une cure de détox, Escape From Evil manque dans son ensemble de cette substance psychoactive qui nous avait rendus accros aux trips lancinants de Lower Dens.

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