Johnny Marr : “La seule personne capable de dire la vérité sur les Smiths, c’était moi”

Dans son autobiographie, traduite en français, Johnny Marr revient sur l’histoire des Smiths et tente d’éclairer les cinq années d’existence du groupe (1982-1987), loin des raccourcis diffusés à l’époque par la presse britannique.

 

Pourquoi avoir écrit une autobiographie à la cinquantaine ?

J’ai toujours eu l’idée d’écrire un livre, sans savoir sur quoi. On m’a proposé de faire une autobiographie il y a une douzaine d’années mais c’était trop tôt. J’ai eu une nouvelle offre en 2012, mon entourage m’a recommandé d’y aller. J’ai attendu quatre ans parce que j’avais encore de la musique à faire. Je voulais fermer ce chapitre de ma vie avant de tout mettre dans ce futur livre. J’ai rappelé l’éditeur en 2016. Il était toujours d’accord pour me publier. C’était le bon moment. Je me suis dit que, si je ne le faisais pas maintenant, je ne le ferais pas plus tard, il y avait le risque de voir les souvenirs se tarir.

Tu l’as écrit seul ?

Absolument. Je tenais à exercer au moins une fois dans ma vie cette part d’imagination et la discipline que demande l’exercice de l’exercice d’un livre. Ça m’a pris neuf mois, ce qui est rapide. Mais j’y ai passé plusieurs heures par jour six jours sur sept, parfois sept jours sur sept. J’ai des amis musiciens qui ont écrit des livres similaires et qui ont pris trois ans. C’était intense. Il m’est souvent arrivé de ne pas avoir envie de m’y mettre. Mais je ne voulais pas que ça me prenne deux ans.

Tu mêles le récit de ta vie et de ta carrière. Que souhaitais-tu exprimer exactement ?

Je voulais qu’apparaisse un itinéraire très humain. Une grande partie de ma vie a consisté à travailler dur. J’ai beaucoup cherché et j’ai beaucoup trouvé. J’ai vécu énormément de choses. Je voulais notamment corriger la connotation négative qui restait associée à certains pans de l’histoire des Smiths. La seule personne capable de dire la vérité à ce sujet, c’était moi. Le seul livre décent sur les Smiths a été écrit par Tony Fletcher (A Light that Never Goes Out: The Enduring Saga of the Smiths, Windmill Books, 2012), tous les autres ont brillé par leur cynisme. J’étais occupé à faire de la musique, mais pour le livre, j’ai fini par prendre le recul nécessaire.

As-tu eu besoin de te replonger dans l’œuvre de Smiths pour reprendre le fil de cette histoire.

Non ! Je porte ces chansons dans mon épiderme, dans mon sang. Chaque note, chaque seconde. En 2009-2010, pour la remasterisation des disques des Smiths, j’ai tout réécouté dans l’ordre chronologique. J’ai réalisé que j’avais encore tout en moi, chaque respiration, tout.

On apprend en te lisant que le refus du groupe de nommer un nouveau manager a été un facteur-clef de la séparation du groupe. Je ne suis pas certain que cette version ait circulé auparavant.

Maintenant, les gens savent. Personne ne peut penser qu’un des plus grands groupes de rock au monde peut être managé par un guitariste de 23 ans, moi en l’occurrence. Cela m’a brisé le coeur à l’époque mais je savais aussi que je n’allais pas passer quarante ans dans le même groupe.

Propos recueillis par Cédric Rouquette
Photo : Julien Bourgeois pour Magic