Jim O’Rourke – Simple Songs

(Drag City/Modulor)

Il suffit d’une écoute pour qu’éclate l’inavouable vérité : le nouvel album de Jim O’Rourke est indéfendable. Vous vouliez la suite de la pop de chambre à la Van Dyke Parks qui faisait la beauté d’Eureka (1999) ? Ou un peu de l’americana lumineuse façon Insignificance (2001), son dernier LP recensé de chansons dites accessibles paru il y a déjà quatorze ans ? Non, Simple Songs flingue ces attentes.

Voici venir trente-sept minutes de soft rock ringard, tout droit sorti des seventies à papa. Des pianos balourds où sont tapotés des accords mastoc pendant que des guitares dégoulinantes harmonisent en haut du manche avec une batterie qui balance des roulements à tout-va. Sans compter les violons qui accentuent la mièvrerie de mélodies ânonnées par tonton O’Rourke, lequel nous offre pour l’occasion ses performances vocales les plus terribles, comme sur le final de Hotel Blue, entre comédie musicale et Phil Collins.

Malgré ce topo carabiné, comment peut-on être à ce point ému, touché, ébaubi devant ce disque ? Qu’est-ce qui fait basculer un tel déballage de casseroles du côté des albums qu’on a envie d’écouter sans arrêt, comme envouté par son évidence ? Simple Songs est beau à pleurer, et ça ne s’explique pas.

Précis, soignés, bourrés d’idées brillantes et produits avec une minutie inégalée, on traverse ces huit titres avec à l’esprit une pensée incessante : “Ah, ça va être mon nouveau passage préféré.” Ici un ensemble pour violons vient interrompre une ballade rock mouvementée avant de laisser poindre une mélodie chaloupée (Last Year).

Là des pluies de mandolines traversent une pochade à la Zappa (irrésistible Half Life Crisis). Il y a un émerveillement permanent à contempler Jim O’Rourke déployer une telle verve pop, d’une surprise à l’autre, entre deux salves de paroles sardoniques dont il a le secret. Les clichés deviennent des mythes quand ils sont célébrés avec autant de génie.

En fin de parcours, Jim signe son plus beau morceau, All Your Love, en nous faisant le coup de la coda crépusculaire qui n’en finit plus de s’envoler. Le résultat est si grand, si fort, qu’on a l’impression de découvrir cela pour la première fois. Précis de pop d’un autre temps, Simple Songs est une leçon qui donne envie d’inscrire Jim O’Rourke au patrimoine mondial de l’humanité. Oui, rien que ça.

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