“Désapprendre et réapprendre” : le Top 2018 de Nicholas Angle

TOP DE FIN D’ANNÉE. Les rédacteurs de Magic délivrent tous les jours leur Top 2018, sous la forme d’une liste de 10 albums, assortie d’un texte de mise en relief. Episode 6 avec Nicholas Angle.

 

  1. KING TUFF – The Other (SubPop)
  2. CAR SEAT HEADREST – Twin Fantasy (Matador Records)
  3. EN ATTENDANT ANA – Lost And Found (Buddy / Montagne Sacrée)
  4. TH DA FREAK – The Hood (Howlin Banana)
  5. THE LEMON TWIGS – Go To School (4AD)
  6. TY SEGALL- Freedom Goblin (Drag City Records)
  7. PARQUET COURTS- Wide Awake ! (Rough Trade)
  8. MYTH SYZER – Bisous (Animal 63)
  9. SNAIL MAIL – Lush (Matador)
  10. BIG RED MACHINE – Big Red Machine (Jagjaguwar)

Chaque année, je classais mentalement, sans forcément les écrire, mes meilleurs disques de l’année. Chaque année, je retrouvais plus ou moins mes champions dans les tops des influents webzines et magazines. J’ai toujours été gêné par cette “coïncidence”, qui m’interrogeait sur ce qui était du ressort de mon propre goût ou de la régurgitation inconsciente de celui des autres. Mon goût, cette année, je le sens justement plus affirmé : mon bilan de l’année résonne avec mes expériences personnelles. Celle de vouloir ré-apprendre un instrument, retrouver cette innocence de l’enfance – je me suis mis à la batterie cette année ! – et c’est justement la démarche de King Tuff, qui a lâché les gros riffs rock pour un songwriting plus pur. Résultat, l’album est totalement jouissif. Tout comme l’album de son meilleur pote Ty Segall qui m’avait comblé en début d’année – sur Freedom Goblin, le Californien ne se donne aucune limite.

 

 

Sur ce même plan, je mets les Parquet Courts qui naviguent entre les styles avec une facilité déconcertante sur leur dernier essai. Un côté punk, libérateur, que j’ai retrouvé dans un autre style avec la pop ambitieuse des Lemon Twigs, que j’ai dégusté avec d’autant plus de plaisir que j’avais vu leur incroyable concert à la Route du Rock une dizaine de jours plus tôt. Jouer pour jouer, c’est aussi le plaisir de TH Da Freak que j’ai eu le plaisir de rencontrer cette année – écouter son disque m’a fait penser à l’excitation ressentie à l’écoute des premiers albums de Weezer. Le Bordelais et ses acolytes ont sorti trois disques cette année ! Je mets très haut aussi les franciliens d’En Attendant Ana, qui m’ont soufflé avec leur garage pop dont j’ai apprécié la production brute, dont ressort une énergie authentique.

 

 

Il semble un peu à part dans ce top mais en y réfléchissant, il y a toute sa place par sa posture à rebours de l’époque : le producteur Myth Syzer avec son Bisous. Certes, ce n’est pas de la pop à guitares, mais en imposant à ses invités rappeurs des rythmes vaporeux et des rimes bienveillantes, le Nantais a opéré un décalage bienvenu avec une époque ou le clash est roi. Autre artiste dont la posture compte (presque) autant pour moi que la musique : celle de Justin Vernon, plus connu sous le nom de Bon Iver, avec son projet Big Red Machine, sur lequel il est accompagné de Aaron Dessner, tête pensante de The National, et de multiples collaborateurs issus de leur plateforme PEOPLE. Avec leur album, ils ont voulu faire de leur musique un projet infini, circulaire, partagé. Désapprendre et réapprendre : cela correspond bien à  cette sélection.

Nicholas Angle est journaliste dans une grande radio nationale et reprend parfois le clavier pour parler musique, coincé quelque part entre le rock garage lo-fi, post-punk, la folk psyché avec des refrains pop pour lier le tout. Et comme son micro n’est jamais loin, il a aussi créé un podcast, Hors Piste, dans lequel il discute avec ses artistes coup de cœur. Cette année, dans notre revue pop moderne, il est allé prendre des nouvelles de Kurt Vile et analysé avec Charlotte Gainsbourg l’évolution de son rapport à la scène.